Un rapport de police désigne Marine Le Pen comme
instigatrice d'un système de détournement de fonds européens
Dimanche 16 Mai 2021
Rebondissement dans l’affaire des assistants parlementaires européens :
l’enquête désigne la présidente du RN, déjà mise en examen, comme cheville
ouvrière du système organisé pour détourner les fonds du Parlement de
Strasbourg. Les policiers estiment que 17 dirigeants du parti d’extrême
droite pourraient faire l'objet d'un procès. Avec quelles conséquences sur la
présidentielle ?
À moins d’un an désormais d’une élection présidentielle dont elle est
annoncée comme l’une des protagonistes au point d’envisager la victoire, la
présidente du Rassemblement national est, pour la première fois, mise en cause
comme le rouage essentiel de l’affaire des assistants parlementaires européens.
Après cinq ans d’enquête dirigée par la juge d’instruction Claire Thépaut,
les policiers de l’Office central de lutte contre la corruption et les
infractions financières et fiscales (OCLCIFF) ont adressé un rapport de
synthèse de 98 pages à la magistrate le 15 février.
Un document révélé dimanche 16 mai par France Télévisions et le Journal
du dimanche, dont le contenu témoigne de l’ampleur du scandale : le
Rassemblement national a, « par l’intermédiaire de ses cadres et
dirigeants, mis en place un système organisé frauduleux de détournement des
fonds européens à son profit, par le biais d’emplois fictifs d’assistants
parlementaires », peut-on lire. Lapidaire.
Le montant du préjudice estimé à 6,8 millions d'euros
Les enquêteurs, après de nombreuses procédures, perquisitions et
interrogatoires, semblent bien confirmer les soupçons à l’origine de
l’information judiciaire ouverte en décembre 2016, dans laquelle le Parlement
européen est partie civile après avoir estimé le montant du préjudice à
6,8 millions d’euros.
Mais le fait central, c’est le rôle joué par Marine Le Pen en personne :
selon le rapport des policiers, la cheffe du RN serait bien la principale
instigatrice et bénéficiaire du système frauduleux. Celui-ci, déjà en vigueur,
a atteint des proportions jusque là inconnues après les élections européennes
de 2014 qui avaient vu vingt-quatre élus du Front national de l’époque faire
leur entrée au Parlement européen.
Thierry Légier, ancien para garde du corps des Le Pen
Marine Le Pen aurait alors annoncé aux eurodéputés, selon le rapport de
l’enquête, qu’ils ne pourraient embaucher qu’un seul collaborateur et que les
autres – dont elle seule déciderait des noms – travailleraient
directement pour le FN. Selon les policiers, c’est un proche de la présidente,
le Belge Charles Van Houtte – par ailleurs petit-fils d’un intime de
l’idéologue fasciste Léon Degrelle –, qui était la cheville ouvrière du
système. Il était notamment chargé de faire « remplir des procurations aux
députés FN lui permettant d’avoir ainsi accès aux données administratives et
financières des enveloppes budgétaires des députés européens ».
Le rapport cite notamment le cas de Thierry Légier, dont le visage est
familier des parades présidentielles du FN : depuis 1992, cet ancien para a été
successivement le garde du corps de Jean-Marie Le Pen, puis de sa fille, depuis
2011. Un homme qui a « bénéficié de plusieurs contrats d’assistant
parlementaire (…). Pourtant aucun élément ne permettait d’établir qu’il
avait eu d’autres fonctions que celle de garde du corps », écrivent les
enquêteurs. Un cas loin d’être isolé : plusieurs proches du clan Le Pen
auraient ainsi été rémunérés.
Un procès après l’élection présidentielle
Alors que l’entrée à l’Élysée de la cheffe du parti d’extrême droite semble
aujourd’hui une hypothèse envisageable, ces révélations pourraient avoir des
conséquences primordiales. Marine Le Pen s’est empressée de répondre à ces
accusations sur Twitter, dimanche matin, en s’en prenant à l’hebdomadaire
qualifié « d’organe officiel du pouvoir macroniste » qui « ressort
la même sempiternelle affaire des assistants parlementaires comme à chaque
élection ». Une réaction qui omet l’essentiel : le journal ne fait que
relayer le rapport des policiers… dont elle ne dit mot.
Reste que les cinq années d’enquête, dont la durée a été allongée par les
multiples recours déposés par les avocats du Rassemblement national, permettent
désormais la tenue d’un procès, si la juge d’instruction décidait de renvoyer
le dossier au tribunal – le contraire serait très étonnant compte tenu des
éléments à sa disposition.
Au total, les policiers estiment que 17 dirigeants du parti d’extrême
droite pourraient être visés par les chefs d’accusation de détournement de
fonds publics, voire d’escroquerie en bande organisée. Mais ce procès ne
pourrait avoir lieu avant le printemps 2022, au minimum. Après l’élection
présidentielle, donc. Où Marine Le Pen jouera non seulement son avenir
politique mais également judiciaire.
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