Ma chronique de l’extrême centre par Pierre Serna.
La supercherie de l’islamo-gauchisme
L’Humanité du Vendredi 19 Février 2021
La ministre de l’Enseignement supérieur a déclaré qu’elle allait confier
au CNRS une enquête à propos de « l’islamo-gauchisme » à l’université,
voulant distinguer ce « qui relève de la recherche académique et ce qui
sert au militantisme et aux prises d’opinion ». Les mises au point fermes
sont venues dire l’indignation des universités. Le CNRS lui-même, se voyant
instrumentalisé et réduit à une instance de surveillance de la recherche, a
signifié son refus de se voir manipulé dans une polémique stérile, autour d’un concept qui n’a ni
existence scientifique ni définition rigoureuse. Le terme, construit à
charge dans des milieux d’extrême droite, désormais instrument de langage de la
Macronie, a pour vocation de faire croire que l’esprit d’ouverture et d’accueil
d’une gauche dite « radicale », masquant son identité subversive contre les
valeurs de la République, serait
la démonstration d’un laxisme face à des formes de radicalisation
d’islamistes, le plus souvent salafistes. La ministre va plus loin. Il s’agit
de poursuivre une dévalorisation systématique, pour rabaisser la qualité de la
recherche française, pour diviser les forces vives des équipes qui réunissent
chercheurs du CNRS et universitaires. S’agit-il de dresser l’opinion publique contre les universités,
en défendant sans le dire le plafond de verre entre grandes écoles élitaires
et universités de masse ? S’agit-il de mieux attaquer les
« gauchistes », celles et ceux qui pensent de façon critique le monde et osent
le théoriser ? À force de
jouer avec ces braises malsaines, des membres du gouvernement – car
Jean-Michel Blanquer campe sur cette position – font non seulement le lit de l’extrême droite,
mais une fois encore rigidifient le débat en cours sur la laïcité. En
continuant de désigner, d’identifier, et de nommer deux réalités différentes,
unies de façon artificielle, dans cette alliance de deux mots n’ayant aucune réalité scientifique mis à
côté l’un de l’autre, la ministre valide une supercherie intellectuelle.
En associant une attitude violente due à un fanatisme religieux et une position
politique qui a servi à construire les idéaux de la République, travestie sous
le terme de « gauchisme », le gouvernement poursuit son travail de sape d’une
démocratie sociale, que les idéaux d’une université pour tous incarnent.
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